Alter Ego

attendre

Aujourd’hui. Demain.
Y’a des mots comme ça qui encollent la bouche.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre.
Attendre d’avoir le temps.
Attendre.
Attendre.
Le temps de dire. Le temps d’être.
On y croit.
Minable mi-rage
Abîme erratum.

Le temps est creux.
Il n’y a rien.
Pas une heure, pas une seconde.
Ca se fissure la vie, la gueule.
Désert.

Attendre.

Pendant ce temps…
va rattraper le truc qui a coulé !

Néant
moins
que rien.

les rêves n'existent pas

Je voyais bien qu’il y avait encore quelque chose qui clochait. Sa façon de me tenir la main, son visage fermé, son silence. Je savais. Je les avais entendu se disputer ce matin. Maman avait tourné la tête pour ne pas que je vois ses larmes. Les grands pensent toujours qu’on est trop petit pour se rendre compte des choses. Pour une fois, j’aurais aimé qu’ils aient raison.

Tous les jours, quand il venait me chercher à l’école, je me demandais comment allait se passer la soirée. Bizarre de se poser encore la question, moi qui en connaissais par cœur le déroulement. Comme tous les soirs, j’allais être celui qui comble les blancs, celui qui fait vivre. Comme tous les soirs, chacun s’adressera à moi, sans jamais s’adresser à l’autre. Comme tous les soirs, je mangerai seul à table, et on pensera me faire plaisir en m’autorisant à mettre du ketchup dans mes pâtes. On me couchera gentiment, en m’embrassant sur le front. J’essaierais de me persuader que ça ira pour elle.

Et puis, je les entendrai crier. Ou bien je n’entendrai rien du tout. Le silence ou les cris. C’est bête mais parfois je me demande ce que je préfère. Écouter le pire ou bien l’imaginer. Alors je me cacherai en pensant naïvement que l’épaisseur de ma couette atténuera l’angoisse. Je me mettrai à chanter une des chansons qu’on a apprise au centre. Et épuisé, je finirais par m’endormir en espérant de toutes mes forces que les rêves existent pour de vrai.

and the winner is…

Elle claque à la gueule laissant les veines rouges.
Les heures hagardes et l’œil en calque
Le ciboulot étriqué, paralysé

« Soyez friands mes petits
N’ayez crainte, tirez la chevillette 
Le souffle vous attend »

Elle claque à la gueule laissant les lèvres blanches
Ses mains noires et sa peau désertique
Applaudissements

« Bravo ! Bravo ! Me voilà couronnée
Regardez-les, les traine-misères
Regardez-vous, en train de crever »

Elle claque à la gueule laissant les yeux blancs
Tête décalquée, l’encéphalo ralentit
5. 4. 3. 2. 1.
C.L.A.C.

C’est fini, sans surprises.

And the winner is…

amertume

Je te parle comme je te cogne. Mal et fort. Mais apparemment tu t’en fous, vu que t’as fourré ma queue dans ta bouche et que t’as l’air d’y prendre un certain plaisir. Tu es consciente de mon dégoût, mais tu sais bien que je suis comme tous les hommes et que le sexe fait des merveilles.

Seulement même si on a tendance à croire que le sexe ça passe toujours, avec toi, ca passe juste encore. Mais au moins, quand tu me suces, tu ne me colles pas trop. Seules ta bouche et ta main droite sont en contact. La main gauche reste inactive. Ca ne m’étonne pas de toi, t’as toujours fait les choses à moitié. Pour la baise, c’est pareil. Juste donner le minimum syndical en voulant faire croire que ce n’est déjà pas si mal. Le sexe sans le cul. La queue sans les couilles. La bouche sans les dents. Une feignasse-née. Du coup, c’est comme manger un poulet sans la sauce, c’est sec et étouffant.

Je ferme les yeux – putain, un comble ! – et m’efforce de penser à autre chose qu’à ta bouche en rond de serviette attendant le repas. Bander relevant du miracle, éjaculer serait science-fiction. Une demi-heure déjà que tu t’acharnes en vain sur ma queue cafardeuse. Faut que ca s’arrête. Je me concentre alors sur l’idée de jouir entre tes lèvres sèches plutôt qu’entre tes cuisses. Pour qu’il te reste, à toi aussi, l’amertume de notre gâchis.

le coeur dans la tombe

Amour perdu. Vertigineuse chute. Il est là, les yeux rouges. Elle est là, le corps blanc. Son souffle la pénètre, encore une fois. La dernière. Une goutte de sang coule de ses lèvres. Il se penche sur elle et la lèche méticuleusement. Sortir de l’illusion poignante. A tout prix. Voler vers la réalité idéale. Enfermer le désir et le protéger.

Allez vous faire foutre !

Reniement total du face à face.
Toi aussi, tu iras là-bas.
Ne t’en fais pas.
Tu iras là-bas.

alter ego

Une surface en miroir de l'autre.
Le complément.
Son complément.

Le miroir
aux alouettes ?
aux mots, aux lettres
au relâchement total
(recherché)

Rien ne contraint.
Rien ne dirige.

Tout se pense, tout s'imagine
et tout se lit.