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10h15. Devant un supermarché. Il fait super beau. Je me gare. Je cherche le jeton pour le caddie. De loin, à l’entrée du magasin, je vois une femme, debout, la tête baissée, tenant quelque chose dans les mains. Elle doit avoir mon âge.
Je sors de la voiture et vais chercher mon caddie. Je passe devant elle. Elle n’a pas bougé d’un millimètre. Elle tient une petite pancarte. Je ralentis pour lire « Sans travail, sans ressources, deux enfants, merci ». Une de ces traditionnelles pancartes, si traditionnelles qu’on ne les lit plus. Parce que quoi ? Offf, toujours la même chose… Mais alors quoi ? On voudrait de l’originalité ? On voudrait qu’ils cogitent à leur message pour qu’il soit plus attrayant, plus léger, plus rigolo (?), plus marketing ?! On voudrait qu’ils cogitent à un message plus percutant, plus « émotionnel ». Mais de qui se moquons-nous ?
Toujours la même chose… Oui… C’est là, le problème. Tous ces gens qui vivent la même merde.
Je rentre faire mes courses. Un peu perturbée. Ici, on n’est pas à Paris, on n’est pas non plus à Marly-Gomont (60 000 habitants), mais on n’en voit pas souvent des gens qui font la manche. On en voit bien sûr, mais pas tant que ça. Et puis, y’en a beaucoup qui font la manche pour pouvoir acheter leur Carré de vigne en brique. Ou des gens qui t’agressent carrément pour avoir une p’tite pièce.Non, cette femme n’était pas comme ça. Elle était là. Immobile, debout.Je sors du magasin.Elle n’a toujours pas bougé d’un poil. La tête baissée, elle regarde le sol. Son attitude est là, comme une excuse au monde.Je rejoins ma voiture, range mes courses dans le coffre. Mes yeux ne la quittent pas. Je n’y arrive pas. Je suis là, avec mes lunettes de soleil, toute pimpante, je sors de la douche, je sens bon le N°5, j’ai le coffre plein de bouffe. Elle est là, comme une statue, invisible aux yeux des autres. J’ai l’impression qu’il n’y a que moi qui la voit.Je cherche dans mon sac. Mon porte-monnaie. J’ai 80 cents en liquide. J’ai pas envie de lui donner 80 cents. Je fouille encore, je crois qu’il me reste 1 ticket resto. Oui, c’est bon, il m’en reste un ! Je vais rendre mon caddie, reprend mon jeton et me dirige vers elle. Elle n’a toujours pas bougé. Je lui dis bonjour. Elle relève la tête. La première chose qui me frappe, c’est son visage. Je le trouve joli. La seconde, c’est la façon dont elle me regarde. Honteuse. Si honteuse. Je lui tends le ticket restau à 6 euros en lui précisant que c’est valable dans les restos mais aussi chez les traiteurs ou dans certains supermarchés. Pendant que je lui dis tout ça, elle me remercie mille fois, la voix infiniment basse. Je lui dis au revoir. Je ne m’attarde pas, je sens qu’elle n’est pas à l’aise. Et à vrai dire, moi non plus.Je rentre dans ma voiture. Elle a repris sa position immobile.Je démarre. Je passe devant elle. Elle relève légèrement la tête. Je lui fais un signe de la main en lui souriant. Elle me répond en lâchant un sourire timide, mais un sourire quand même.Alors, oui, peut-être que je me suis fait « avoir ». Peut-être que c’est une feignante, qu’elle n’a pas de gamins et qu’elle « joue un jeu ». Peut-être. Mais peut-être pas. Peut-être qu’elle a vécu galère sur galère. Mauvaise vie, mauvaise rencontres, mauvais choix, pas le caractère pour survivre, deux gamins.
J’ai agi avec mon cœur, avec mes tripes.Je rentre chez moi. Le cœur lourd et léger à la fois.
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