Je me dirige vers le laboratoire de l’hôpital pour faire
les derniers examens médicaux avant l’accouchement : prise de sang et p’tite
pissette dans le bocal.
J’attends mon tour en lisant un « Elle » de 2001.
Super.
C’est à moi. Je me lève et me dirige vers une des petites pièces
prévues pour les analyses sérologiques.
Une femme en blouse blanche m’accueille. Enfin, une femme… une
armoire à glace. Son physique me gèle sur place. Comment ne pas penser à l’héroïne
du fabuleux film « Misery » (Kathy Bates), film tiré du livre de
Stephen King ?
La même carrure, les mêmes grosses mains. L’infirmière a, elle,
les cheveux blancs, tirés en arrière. Visage brut, sans apprêts.
Ma crainte aurait pu s’arrêter là et s’envoler aussi rapidement
qu’elle n’était venue… C’était sans compter sur l’odeur. A peine après voir
franchi la porte, j’ai cru me sentir mal. Ca ne puait pas, non, ça
chlinguait grave. Première impression, ça sentait le vin, le pinard qui tâche,
le carré de vignes en brique.
« Putain, elle a bu… Elle a bu et elle va enfoncer une
seringue dans mon bras ! »
Et puis, mon odorat, tel celui de Grenouille dans « Le
parfum », a commencé à tenter d’analyser les particules d’air.
Le vin a fait place à la saleté.
Comment dans cette pièce, dans ce lieu hospitalier, dans cette salle
à la lumière gymnase, dans ce lieu médical où tout doit être désinfecté,
aseptisé… comment ça pouvait sentir autant la crasse !?
Assise sur le fauteuil froid, je regarde Misery me ligoter le
bras et préparer la seringue. Je la dévisage. Les cheveux, les mains, le cou…
Je cherche la crasse, je cherche la cause de l’odeur… Mes yeux se baissent… Je
fixe ses pieds nus dans ses mules typiques des infirmières. Les doigts de pieds
sont grossiers, non faits. La peau est caleuse, sèche comme une merde de chien…
Mais pas de traces noires, grisâtres, jaunâtres.
Je suis en apnée. Je ne peux pas respirer sereinement. L’idée
que ces molécules fétides puissent me pénétrer par le nez ou par la bouche m’insupporte.
Dès que je n’ai plus d’air, bien obligée, j’en reprends… doucement avec
parcimonie.
La seringue se remplit. Je vois mon sang rouge dans les p’tites
fioles. Il fait des bulles.
C’est fini.
Elle me tend un petit bocal. Je vais aux toilettes, juste à côté,
et fais ce que j’ai à faire.
Je ressors.
Je remercie la dame et m’en vais.
Bibis fétides