- « Tiens, je vais faire un billet sur le Sida. »
- « … »
- « Ben oui, le Sidaction, et tout et tout, ça collera à l’actu... »
- « … »
- « … ? »
- « Pauvre idiote. Le sida, ce n’est pas une question d’événement !
Le sida, c’est pas comme le rhume des foins ! Imbécile, va !...
Le sida, il est là tout le temps.
Le sida, on en meurt toutes les 10 secondes dans le monde.
Le
sida, les saisons, il s’en fout.
Le sida.
Le sida, on en a beaucoup parlé y’a quelques années.
On en parle moins aujourd’hui. Ou alors, à date fixe. Comme pour
Pâques ou la fête des grand-mères. On ressort le sujet comme un marronnier. On saupoudre
quelques larmes sur nos têtes une fois par an. Ou deux… pour le Sidaction et
pour la journée contre le Sida.
Une fois par an.
Comme si on baisait qu’une ou deux fois par an !
Comme si les jeunes découvraient l’amour une fois début décembre
et/ou une fois en mars.
Nous, notre génération, les trentenaires, savent.
Y’a eu « Les
nuits fauves », y’a eu « Philadelphia », y’a eu « Les
soldats de l'espérance »…
Y’a eu Cyril Collart, y’a eu Bruno Carette, y’a eu Freddie
Mercury, y’a eu Didier Derlich…
Nous, les trentenaires. On sait.
Enfin, on sait un peu plus. Car
on a tous eu des amis ou des connaissances touchés par la maladie. Des amis d’amis.
Des voisins de. On a fait le test de dépistage (82 % d’entre nous d’après le
sondage Blog-it express).
Je l’ai fait aussi. 2 fois.
Une fois après. L’amour était plus
fort que la peur. Conneries.
Une autre fois pour « partir » dans un amour sans
plastique.
Nous, les trentenaires, on connait les risques. Certains font
des conneries, mais ils savent.
Mais les jeunes d’aujourd’hui ?
Certains s’imaginent que l’on peut contracter la maladie en
donnant un baiser. Certains ne s’imaginent rien. Rien… malheureusement rien.
Certains ne connaissent pas la différence entre quelqu’un qui
est séropositif et quelqu’un qui a le Sida.
Certains connaissent le mot, Sida, savent que c’est une maladie,
oui… mais quoi de plus ?
Comment cela est-il possible ?
Bibis capote
Info photo bandeau : Cette photo prise
fin 86 à New-York a tétanisé la planète entière, jusqu'en Chine où elle servit
pour les campagnes de prévention.
On y voit un
sidéen, d'une maigreur effroyable, les bras dévorés par d'horribles taches - un
kaposi
- un cancer de la peau caractéristique des sidas en phase terminale, le regard
terrorisé planté dans l'objectif du photographe. L'homme s'appelait Ken Meaks. Il
fut le premier malade américain qui accepta de témoigner à visage découvert.
Pour cette image,
Alon Reininger otient le World Press Photo de l'année 1996.