Je roule.
J'aime ça. Conduire. Une main sur le volant, l'autre sur le levier de vitesse. Par habitude.
La route défile. Machinal.
Soudain on prend conscience. On se réveille presque. On sort du mécanisme.
A chaque fois, c'est la même chose. Je me dis qu'un jour, ça s'arrêtera là. Dans un coup. Et à chaque fois, je pense à Elles et à Lui. Je les laisse seul. Et je suis seule aussi.
Je vois ces bouquets colorés sur le côté. Preuve d'une présence absente.
J'imagine ces visages qui ne seront plus jamais les mêmes. J'imagine ces visages pleins de haine, de mépris... mais surtout de tristesse.
C'est con.
On est là. Comme toujours. Dans notre putain d'inconscience. A dire, comme moi, qu'on aime la vitesse. Avec le sourire en plus.
Je croise ces bouquets de fleurs. Comme celui d'hier. Et j'imagine.
Un jeune ? Un mec en bagnole ? Une nana en scooter ? Une mère de famille ? Y'avait-il des enfants ? "Uniquement" les parents ?
J'imagine.
L'imagination est douloureuse.
On se met dedans.
On roule dans l'histoire. Dans une autre histoire.
J'imagine.
Je me vois moi.
Et là, forcément, mes yeux dérapent. Je perds le contrôle.
A chaque fois, c'est pareil.
A chaque fois, c'est pareil.