Depuis quelques semaines, c'est le reuz en Bretagne ! Le bouquin d'Hervé Lossec, «Les Bretonnismes», illustré par le dessinateur Nono, s'arrache comme des petits pains.
En octobre, ce livre tiré à 2 000 exemplaires est parti en une semaine. Depuis, réédition et tout le tralala, 13 000 exemplaires vendus en un temps record et le stock est quasi-épuisé. Un nouveau retirage de 30 000 exemplaires est en cours.
Mais "Les bretonnismes", c'est quoi donc ?
"Toutes ces expressions comme «Comment que c'est ?», «Celui-ci est parti fou !», «Il est arrivé vieux !», tous ces mots (fonnus, gwenneg, restachoù, startijenn) qui alimentent le langage quotidien des Bretons et qu'eux-mêmes utilisent sans toujours se rendre compte qu'ils ne sont pas intelligibles ailleurs qu'ici !" (H. Lossec)
Ce livre n'est pas un traité de linguistique. Il montre la richesse du français de Bretagne, avec sa syntaxe, ses expressions et son humour. Hervé Lossec y recense et explique ces tournures et expressions en français local colorées par des structures et un vocabulaire directement issu du breton. Un inventaire plein de surprise et un vrai phénomène d'édition.
«Les Bretonnismes» d'Hervé Lossec - Editions SkolVreizh - 10 euros
Quelques bretonnismes...
« Casser la soif. ». Belle expression imagée comme seule la langue bretonne peut en faire. Traduction littérale de terriñ ar sec'ched, tout comme casser la faim terriñ an naon. Même si en français, on peut casser bien des choses, comme la dalle ou la graine, on ne peut qu'étancher ou apaiser sa soif.
« Il est venu chez nous au milieu de tout. » Ce qui signifie : il est arrivé inopinément, sans crier gare, subitement c'est-à-dire sans nous prévenir ou s'annoncer pendant que nous étions occuper à nos affaires. C'est la traduction littérale de A greizh holl, transposée en français local avec son sens breton au milieu de tout. Le verbe venir (donet) peut avoir, suivant le cas, le sens de devenir, partir ou arriver.
« Attention de tomber ! » C'est exactement l'inverse de ce que l'on veut exprimer Attention de ne pas tomber. Traduction du breton diwall da gouezhan ou taol evezh da gouezhan. Diwall et taol evezh exprimant déjà attention de ne pas il n'a pas semblé, sans doute, utile, d'ajouter la négation au français local.
« Comment que c'est ? » Ou mieux encore, Comment que c'est avec toi ? Expression courante pour demander Comment ça va ? au sens large. Il faut remarquer que ce type d'expression est aussi employée par des personnes qui n'ont jamais parlé ou entendu un mot de breton.
« J'ai été mordu avec le chien. » En breton, on use et abuse de la forme passive. On exprime le résultat de l'action plutôt que son déroulement. La forme passive nécessite l'emploi de la préposition avec , ce qui explique son emploi fréquent en breton et du coup en français local. Ici c'est la traduction de Kroget on bet gan ar ch'i. Littéralement : mordu j'ai été avec le chien. Phrase à inverser, en français standard : le chien m'a mordu.
« N'oubliez pas de tirer vos chaussures ! » Traduction du verbe breton tennañ qui s'utilise dans un sens plus large qu'en français académique. Ici pour dire : enlever, ôter. Mais tirer peut aussi signifier prendre ou encore arracher. On tire bien les patates chez nous !
« Y'a eu du reuz ! » Voilà un mot que l'on glisse volontiers dans les conversations, par malice ou connivence. Il y a eu du reuz : du bruit, de l'agitation. Reuz ou encore freuz (tumulte, destruction) pourrait d'ailleurs remplacer avantageuseument le terme anglais buzz. Le français s'est construit à partir des langues régionales, pourquoi ne pas y puiser encore pour l'enrichir.
« Mets-lui un coup donc ! » Ne craignez rien, on ne va pas vous frapper. C'est simplement la traduction littérale de Laka ur banne dezhañ, ta ! signifiant : sers lui donc un verre ! A la différence du français, le breton oppose ce qui est liquide, banne traduit par << coup >> à ce qui est solide, tamm, soit un bout ou un morceau. Si l'on vous propose un coup de fort, ur banne hini kreñv, il s'agira d'alambic ou d'alcool fort.
« Attraper » En Bretagne bretonnante, c'est spontus (terrible) tout ce que l'on peut attraper. Mais parfois on ne peut pas attraper partout (on ne peut pas tout faire !). Au lieu de prendre, on attrape froid, un rhume, chaud, une suée... Un enfant peut même attraper avec son père : se faire gronder. On peut aussi attraper le train à Landerneau... Ou pire un accident ! Traductions exactes du verbe pakañ ou de son synonyme tapout.
« Tu mets de l'eau à celui-là alors que tout le monde sait qu'il est parti avec le vin ! » Réflexion authentique d'une pikez) (commère, chipie) à une brave qui arrosait les fleurs sur la tombe de son défunt mari. Vous aurez compris que ce dernier n'est pas mort de soif, bien au contraire. Cette phrase est un petit concentré de bretonnismes sympathiques.
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