A l'agence.
Bill entre dans mon bureau armé de son appareil photo pour me shooter. Peu importe le pourquoi, on s'en fout. Moi, gênée bien sûr, j'essaie d'esquiver, je me cache derrière mes dossiers, mais Bill est insistant. J'attrape un nuancier de papiers, le met en éventail devant mon visage. N'apparaissent que mes yeux.
Clic.
Deux ou trois jours après, je demande à Bill si il peut me donner cette photo. Je me disais que comme on ne me voyait pas trop dessus, j'aurais pu l'utiliser pour un billet sur ce blog.
"Bien sûr, viens la voir."
J'entre dans son bureau, me dirige vers l'écran de son mac et regarde.
Choc.
A peine la photo regardée, je baisse les yeux en un mouvement de recul. "C'est ça qui te gêne ?" me dit Bill le sourire aux lèvres, en montrant les rides naissantes de mes yeux. Non, non, pas du tout. Je retourne à mon bureau, vacillante, tentant de sourire aussi, bredouillant que c'est juste mon image qui me déplait.
Ne pas montrer le séisme.
Ce n'est pas moi que j'ai vu sur l'écran, mais elle. Les mêmes yeux, la même expression, la même peau, le même regard. On a beau faire, on a beau dire. C'est elle. Me collant à la peau, au corps.
Je la vois, elle que je ne vois plus. Je l'entends, elle que je n'entend plus. Elle est là face à moi.
Miroir.
Je suis restée à mon bureau essayant de cacher mon trouble. Essayant de vider les yeux remplis, calmer le coeur palpitant.
Dans mon lit.
Je repense à tout ça. A cette scène que j'aurais cru irréelle. Ca coule sous le masque.
On est donc des aimants. Identiques mais opposés. Magnétiques. Pôles identiques qui se repoussent.
Pensant se détacher.
Pensant seulement.