(Attention !!!! Extraits à lire !!!)
Après avoir lu quelques livres moyen-bof, voilà que je viens (enfin !) de fermer un très bon bouquin. "Ce que c'est que l'amour" de Régis Jauffret. Parmi tous les livres achetés l'autre jour, je pensais que celui-là allait être le moins passionnant. Le titre certainement. Et bien pas du tout. Je me suis délectée de chaque ligne, de sa page.
L'histoire
De sa plume affûtée comme un scalpel, Jauffret dissèque la vie
conjugale et familiale pour en extraire le foisonnement des sentiments,
tantôt émouvants, tantôt burlesques ou cruels. À chaque page, il
décortique l'amour et le désir pour en révéler les espoirs comme les
fêlures.
Mon avis
Ne cherchez pas ici de belles histoires d'amour, on n'est pas dans les trucs cul-culs gnan-gnans qui empestent l'eau de rose. Pas de "et ils se marièrent et eurent une tripotée de gamins beaux et souriants". Nan, pas du tout.
Régis Jauffret nous propose ici 38 histoires où l'on croise toutes les sortes d'amour : violent, égoïste, paranoïaque, possessif, maniaque, désabusé.
Les histoires sont très courtes (une ou deux pages) et c'est justement incroyable de voir à quel point Régis Jauffret arrive à planter le décor, à entrer si profondément dans les personnages, à nous faire vibrer en aussi peu de mots. L'amour est décortiqué et l'on (re)découvre ses fantasmes, ses bassesses, ses frustrations, son désespoir.
Vraiment beaucoup aimé. Beaucoup d'humour, souvent noir, souvent triste, très bien écrit.
Ma note
16/20. LISEZ-LE !!!
Extraits A LIRE (je pourrais vous écrire tout le livre...)
"Au matin, j'ai toujours envie de te quitter. Tu persistes dans ma bouche comme un goût de merde. Je crois malgré tout que je t'aime, mais je préférerais vivre loin de toi pour t'imaginer. Je voudrais que tu me manques, souffrir de ne plus te voir, de ne plus entendre ton manège de phrases, de ne plus toucher ta chair un peu flasque, émouvante, tendre, moelleuse comme les petites vagues qui terminent leur course sur le bord d'une plage. J'en ai assez que tu sois toujours là, ta présence t'obscurcit, t'efface. Je ne veux plus de la fusion de nos corps, de nos étranges sensations d'exister, dans le lit, la maison, où on dirait qu'un hachoir nous déchire comme de la viande."
"Mon mari ne me tue pas. Mais il gagne si mal sa vie qu'il ne vaut guère mieux qu'un meurtrier. Il m'assassine à petit feu de son salaire miteux. J'ai même une incisive en fer-blanc sur la mâchoire supérieure, les gens de son espèce sont incapables de payer une prothèse décente à leur femme. (...) Bien sûr, il m'a inondée d'un sperme qui ne lui coûtait rien, et je suis pourvue de cinq enfants adorables que je laisserais volontiers sur le bord de la route en échange d'une dent en céramique et d'un rendez-vous chez le coiffeur."
"A mon âge, quand elles sont usées, on rachète toujours les mêmes chaussures. On n'aime pas changer de boulanger, de boucher, de marchand de vins. On ne change pas de voiture, un tas de ferraille est toujours réparable, mais pas un tas d'organes qui constitue son vieux corps. On ne déménage plus, on ne peut pas se permettre d'abandonner ses racines derrière soi, on sait qu'elles ne repousseraient pas. On ne perd plus ses cheveux, ceux qui vous restent tiennent bon sur le crâne, comme ces orties qui poussent sur le ruines. A mon âge, on ne change plus rien, on sait qu'on est incapable désormais de s'améliorer, et qu'on ne se modifiera que pour faire un cadavre."
"Les hommes valent leur pesant de pénis, pas davantage. N'espérez pas en tirer autre chose que des orgasmes. Laissez tomber ceux qui au cours de leur croissance ont gardé en guise de souvenir la ridicule verge de leur enfance. Les petits formats agacent le clitoris, mais sont bien incapables de remplir le vagin d'une honnête femme. Choisissez votre mari avec soin, n'hésitez pas à interrompre les ébats pour prendre des mesures avec votre centimètre de couturière. Evaluez la fermeté de l'érection en gardant une main libre pour pouvoir la comparer avec celle du bois du lit. Testez également sa résistance aux températures extrêmes en vous assurant qu'elle tient malgré la brûlure d'une cigarette et la saupoudrage de neige carbonique au niveau des bourses."
"A cinquante-deux ans mon corps doit lui sembler très en dessous de la limite inférieure du désirable. Il me demande pourtant chaque soir une fellation. J'imagine qu'une bouche vieillit moins vite qu'une vulve."
"La mère de mes enfants; celles dont je me contente pour mes besoins sexuels. Quand il n'y a qu'une seule cuvette dans un appartement, on est bien obligé d'y aller pisser. Ton vagin comme une chiotte. Tes grandes lèvres comme un abattant, tes poils noirs en guise de couvercle, et ton clitoris comme un bouton de loquet."