Dimanche jardinage. Je commence devant la maison. Je coupe,
je taille, j'arrache, je bine, je démauvaisesherbe et toussa. Et puis je vois
mes vieux voisins, Yvette et Marcel sur le trottoir accompagnés d'un homme. Ca
faisait longtemps que je ne les avais pas vus. L'hiver, ils restent au chaud et
l'été, ben, normalement l'été, ils sortent. Un peu. Marcel dans son potager et
Yvette sur sa terrasse. Mais cet été, comme l'été dernier, ils se sont faits
plus rares. Marcel, presque 90 ans, continue étonnamment à jardiner. En
pointillés. Il ne voit presque plus rien. Plus de journal au petit déjeuner, plus de
lecture possible. Et Yvette devant moi... méconnaissable. Un fantôme. Une marche
d'escargot, où chaque pas semble un miracle. Elle se tenait là
telle une branche sèche, usée. Prête à casser. Le sourire peiné presque confus. Nous
avons échangé quelques mots plein de tendresse et d'une banalité affligeante. Le temps du ciel et le
temps qui passe. Les enfants qui grandissent et les autres qui vieillissent.
L'accompagnant a aidé Yvette a monter à l'arrière de la voiture. Commencez par
le pied gauche, pliez-vous doucement, allez, asseyez-vous, prenez votre temps,
allez... votre pied droit maintenant. Comme ça, c'est bien. Calez-vous bien sur
la banquette pour pouvoir attacher la ceinture, attention à vous. Ça y est,
j'ai attaché, ça va ?
Ca a mis presque 10 minutes.
Marcel s'est assis devant, l'autre homme, au volant. La voiture a démarré.
Je les ai regardés partir. Comme si c'était la dernière fois que je les voyais.
Et j'ai continué à jardiner, à couper, à tailler, à arracher, à biner, à démauvaisesherber, la tête ailleurs.