La nuit, quand j'éteins la lumière, quand je ferme les yeux, j'écris. J'écris et j'écris encore. Loin de la feuille de papier blanc et du stylo noir. Plus loin encore de l'écran et du clavier. J'écris avec fougue, avec effervescence, avec violence. Les mots se succèdent, se chevauchent même. Les phrases ne s'attendent pas les unes les autres ; elles sont liées, enchaînées, solidaires, furieuses.
La nuit, quand j'éteins la lumière, quand je ferme les yeux, tout est fluide. Pas de silences, pas d'hésitations, pas de blocages. Les mots s'évadent créant ma propre surprise. La nuit, je me sens femme de plume. Le mot exact à la place exacte avec l'exacte formule. Le meneur est débraillé, relâché. Tout sort. La forme avec le fond. Le fond avec la forme. Accouplés.
La nuit, quand j'éteins la lumière, quand je ferme les yeux, j'essaie d'imprimer cette effusion. Avec peine. J'essaie de retenir les tournures obligatoirement raccourcies.
Le matin, quand la lumière est déjà là, quand j'ouvre les yeux, le bouillonnement s'est évaporé. Il ne reste plus que quelques gouttes transparentes. Et une reproduction amputée.