Je rentre à la maison.
Une journée de merdes.
Clients aux demandes inutiles et aux goûts improbables. Perte d'un beau budget. Des heures de cogitation, des maquettes, une recommandation, du temps, beaucoup de temps, à venir bosser le week-end... le tout pour se retrouver avec une ex-future-cliente qui n'a même pas les couilles de nous annoncer la mauvaise nouvelle elle-même. Connasse.
Une journée de merdes.
Je m'engoufre dans ma voiture et file.
Radio.
101.6, radio classique.
Schumann.
Quatuor lent avec piano.
J'arrive dans le quartier. Calme.
C'est là que je le vois, dans la montée, juste avant le virage.
Il marche face à moi, de l'autre côté. Il est en plein soleil
J'ai l'impression qu'il flotte.
Il ne parait pas vrai : les bras le long d'un corps fluide et trop couvert.
Pull épais, en laine synthétique bleu marine, surmonté d'un gilet sans manche vert bouteille bouloché et gonflé.
Le pantalon a l'air tout aussi épais.
Il n'y a que son visage qui parait léger. Une petit tête toute vieille, un visage ridé, un crâne sans cheveux, où tellement parsemés qu'ils se font invisibles.
J'ai l'impression qu'il marche à 10 cm du sol.
Schumann l'élève.
Schumann le transporte.
Et je me sens transportée avec la compositeur et ce vieil homme.
Je roule, je le dépasse et déjà je me demande si tout cela est bien réel.