Avant de venir vivre ici, j'étais en banlieue parisienne. Je prenais le métro tous les jours. Pour aller en cours, pour aller au boulot. Matin et soir. Soir et matin. Métro, boulot, dodo.
Bonjour les barres chaudes pleines de miasmes. Bonjour les dessous de bras surélevés et malodorants. Bonjour les corps entassés, mous pour certains et trop durs (...) pour d'autres. Bonjour les gueules grises et fatiguées, regardant le sol ou le vide. Moi avec. Bonjour les "bonjour, je suis seule avec 12 enfants, je n'ai pas de travail, regardez mes mômes...". Bonjour les chicotements de rats. Bonjour le lapin aux trois doigts qui nous dit "attention !". Le con.
Mais dans le métro, j'aimais quand même quelques trucs... Les grandes affiches, les grandes pubs. J'aimais aussi le carrelage blanc rectangulaire. J'aimais regarder autour de moi, la vie, les gens avec ma musique dans les oreilles, très souvent Noir Désir à l'époque. J'aimais traverser mes livres, toujours un dans mon sac. Le contraire aurait été impossible. J'aimais imaginer la vie des uns et des autres. "Tiens, celui-là, il doit faire ça comme boulot", "Tiens elle, elle va rejoindre son amoureux"... J'aimais croiser un regard différent des autres ; ces regards qui illuminent la journée et qui font naître des annonces dans Libé.
Oui, j'aimais quelques trucs. Et si j'avais vécu ça, j'aurais adoré.