Les premières journées européennes des familles
homoparentales se sont déroulées les 17 et 18 septembre derniers à Paris. Objectif : débattre sur des projets afin de
promouvoir la reconnaissance et les droits des familles homoparentales en
France et en Europe.
De plus en plus de couples homos expriment leur désir
d’enfant. Seulement, aujourd’hui, l’adoption leur est interdite (c'est vraiment
un challenge que de cacher son homosexualité, se faire passer pour un
célibataire pour être accepté...) et la gestation par autrui (mère porteuse)
est une pratique condamnable en France. De ce fait, de plus en plus de couples
recourent à l’illégalité.
Alors pour ou contre ? Doit-on autoriser l'adoption pour les couples homosexuels ?
En tant que citoyenne, je me pose bien entendu des
questions. En tant que mère aussi. Si un jour une de mes filles était gay, ne
voudrais-je pas qu’elle ait la possibilité de devenir mère et moi devenir
grand-mère ? Mais l’enfant dans tout « ça », son équilibre, son éducation ?
Comment trouver le bon chemin ?
Pour nous éclairer, j’ai demandé à Matthieu*, un ami à moi,
en couple avec Damien*, de bien vouloir témoigner. Tous les deux ont désiré
avoir un enfant et en ont eu un, grâce à une mère porteuse. Tom* a aujourd’hui
1 an.
Témoignage émouvant d’un homme homosexuel devenu papa.
> Comment est née chez toi, chez
vous, l’envie de devenir parents ?
Je répondrai tout simplement à
cette question par une autre question « A quel moment de sa vie un couple se
dit : c'est bon nous sommes prêts a être parents ? ». Ce que je veux dire,
c'est que nous vivons pour être parents, après, je pense vraiment que notre
orientation sexuelle ne joue en rien sur nos instincts. Nous sommes deux
personnes bien ensemble, nous nous aimons, nous sommes à l'aise financièrement,
nous avons un chez nous bien sympa et puis un enfant est l'aboutissement d'un
couple.
> Vous avez eu recours à une mère
porteuse. Comment l’avez-vous trouvé ? Quelles ont été vos et ses conditions ?
Peux-tu nous donner le montant du « deal » ?
Pour rencontrer notre « fée »,
nous sommes passés via Internet. Nous avons posté une annonce et de là, nous
avons été en contact avec plusieurs femmes prêtes à tenter cette aventure.
Nous avons eu toutes sortes de
propositions, entre celles qui demandaient des sommes exorbitantes (jusqu’à 100
000 euros) et celles qui, après avoir entretenu des conversations
téléphoniques pendant plusieurs mois, disparaissaient dans la nature sans
laisser traces de vie. Et puis parmi elles, nous avons trouvé notre fée.
Nos conditions, nous voulions un
enfant pour nous sans aucun contact avec la mère parce que nous ne voulions pas
d'un enfant un week-end sur deux, notre but au final c’est d'aimer et d'élever
notre enfant.
A ce sujet, bons nombres de
couples homos (hommes et femmes) choisissent le système de coparentalité,
c'est-à-dire que un homme du couple homo homme fait un enfant avec une femme du
couple lesbien et ainsi les deux couples élèvent l'enfant comme un couple séparé,
un week-end sur deux, une semaine sur deux et la moitié des vacances, etc. Tout
ça répond à une charte que les parents ont fait entre eux. Nous nous étions
renseignés, nous avions même rencontré des couples de femmes, mais cela ne
correspondait pas à nos envies. Et puis finalement, je trouve qu'élever un
enfant à deux n'est déjà pas facile alors j'imagine qu’à quatre, ça complique
la situation.
Concernant ses conditions, elle
ne souhaitait pas de contact avec l'enfant, elle demandait un dédommagement
financier, ne pas être embêté à longueur de temps par nos coups de téléphone ou
nos visites (700 km nous séparait, ça ne risquait pas…).
Au sujet du montant du
dédommagement, c'est elle qui l’a fixé. Nous avons accepté ; par rapport à nos
revenus, c'était très raisonnable.
> Pourquoi ne pas avoir tenté
l’adoption ?
L'adoption est interdite en
France pour des couples homosexuels. Nous aurions pu tenter une adoption en tant
que père célibataire mais alors là, il faut vraiment montrer patte blanche avec
un salaire à la hauteur. Et puis dans notre cas, les services sociaux n'auraient
pas eu longtemps à chercher avant de se rendre compte que nous sommes un couple
d'hommes.
> Comment votre projet a-t-il été
accueilli par votre entourage ?
Par nos familles respectives,
tout s'est super bien passé. Je ne crois pas avoir entendu de réflexion
négative, ni chez nos amis, ni dans nos familles respectives, ni dans notre entourage
professionnel. Par contre, les personnes qui ne sont pas proches (famille et
amis) s'ils se posent des questions, on les laisse se les poser. Aux personnes
les plus curieuses qui ont l’indélicatesse de nous questionner, on leur répond
que nous nous sommes disputés un jour, que mon ami est sorti boire un verre et
puis est sorti avec la mère du petit et de leur union est arrive notre petit
bonheur… et moi, je suis le cocu content dans l'histoire (rires). J e pense que
c'est tout ce qu'ils ont besoin de savoir.
> Comment s’est déroulée l’arrivée
de l’enfant ?
L'arrivée de Tom à la maison
s'est faite comme dans n'importe quel couple qui a un enfant pour la première
fois. Nous avons longuement préparé sa chambre, choisi ses vêtements, lesquels
il aura à la sortie de la maternité etc.
Une peur tout de même : qu'au dernier moment, notre fée se transforme en
sorcière en changeant d'avis. Ca a été notre hantise, notre angoisse, dès le
début.
Suite à une fin de grossesse
difficile, la naissance a été provoquée et faite par césarienne. Du fait de la
distance qui nous séparait, Damien est allé avant moi pour être présent le jour
J. A cause de problèmes professionnels, je n'ai pu me rendre pour la naissance
donc je les ai rejoints 2 jours après. La sensation au moment du contact avec
mon petit bout d'ange est indescriptible. Puis le séjour à la maternité s'est
passé avec quelques aléas et le jour de la sortie avec notre fée, nous sommes repartis
pour la maison avec Tom.
Les premières nuits, nous sommes
restés dormir avec lui dans sa chambre. Au moindre bruit, on décollait du lit !
En y repensant, on en rit ! Les questions que l’on se pose, tous les parents
autour de nous se les sont posées aussi, donc finalement, que l'on soit
homme-homme, homme-femme ou femme-femme, on a les mêmes angoisses.
> Vis-à-vis de Tom, quelles sont
tes craintes aujourd’hui ?
Nos craintes pour Tom ? Quel
parent n'a aucune crainte pour son enfant ?
Au-delà de la santé, de son équilibre et de tout le reste, j'ajoute son
insertion scolaire, le regard des autres enfants, des questions que les autres
pourraient lui poser. Après au sein de notre famille, il saura comment il est
venu au monde, il saura qui est la femme qui l'a porté, il pourra même, si il
le souhaite, la rencontrer. Il est vrai que nous avons fait notre enfant
égoïstement mais aujourd'hui, maintenant qu'il est avec nous, je me pose mille
et une questions mais toujours sur la même chose : le regard des autres. Le regard
des autres m'effraie pour lui… les gens sont cruels
> Comment vis-tu le fait que tu ne
sois pas « génétiquement » affilié à Tom ? (NB : Damien est la papa génétique de
l’enfant)
Pour ma part, je le vis plutôt
bien. Il n'y a aucune différence entre Damien et moi. Bien avant que le projet
soit au stade de recherche de la mère porteuse, il était clair que Damien
serait le père de l'enfant. Nous en avions longuement discuté avant et pour
moi, c'était comme ça. Et puis de toutes manières, il fallait bien que l'un
d'entre nous se « dévoue » (rires).
Après les gens bien pensants viennent déverser leur venin en disant "Tu
aurais du être le père parce que si jamais vous vous séparez, il pourra
t'empêcher de voir l'enfant, tu n'as aucun droit sur lui." A ça, je réponds
que c'est « le risque du jeu », et puis on n’en est pas là, et l'enfant a son
mot à dire aussi. Si il veut me voir, son père serait vraiment un idiot de l'en
empêcher. Mais je connais mon homme, même si ça se passe mal, il est très
intelligent et jamais il ne fera une chose pareille.
> Vous avez eu un petit garçon.
Pour toi, cela aurait-il changé quelque chose que l’enfant soit une fille ?
Moi je voulais une fille et Damien un garçon,
mais je suis content que ce soit un petit mec finalement. Au moins on sait
comment ça fonctionne ! (rires) Mais je suis certain qu'on s'en serait sortis
avec une fille, dans ma belle famille, elles sont assez nombreuses pour donner
des conseils !
> Pensez-vous recommencer pour
avoir un 2e enfant ?
Nous aimerions bien avoir un 2e
enfant, si c’est une fille cette fois-ci (rires) ! Plus sérieusement, il va falloir nous laisser
le temps de renflouer les caisses. Ça me plait beaucoup de pouponner, je
n'aurai pas voulu passer à coté de ça, et je ne vois pas mon fils sans frère ou
sœur. Même si il a de nombreux cousins
et cousines. Dans ma belle famille, les cousins sont grands et dans ma famille,
mes frères ne sont pas encore prêts a être parents donc le pauvre Tom se
retrouve seul au milieu de ses grandes personnes donc oui j'aimerai lui
apporter la joie d'être à deux, mais pas pour tout de suite.
> Quels conseils donnerais-tu à un
couple pensant à faire la même démarche ?
Les conseils que je peux donner
aux autres personnes, c'est de ne pas perdre espoir, tout peut arriver, nous
nous estimons très chanceux mais notre couple a eu des hauts et des bas car il
y avait là l'intrusion d'une personne
étrangère dans notre relation. Il faut être très soudé, et savoir faire des
concessions, énormément de concessions… Nous n'avons pas eu une année très
facile, je peux le dire, mais le jeu en vaut la chandelle. Ca aussi, je peux le
dire. Et même si Tom n'est pas de moi, je ne m'aurais jamais cru capable d'aimer
autant quelqu'un d'autre que mon homme.
(*) Les prénoms ont été modifiés
pour préserver l'anonymat des personnes.